Billet d’humeur #2 – Prémices de l’équilibre

Mardi 18 avril, 12h06. 

La température a baissé de quelques degrés sur l’île ces derniers jours pour atteindre un équilibre optimal : de la chaleur sans sueur. Le réveil a sonné tôt ce matin, pour avoir le temps notamment de faire une session de yoga et un tour à la plage pour une baignade matinale, avant que le soleil ne me calcine (j’en ai déjà payé les frais une fois). 

Je me découvre à apprécier de plus en plus les matins aux soirs : l’esprit est clair, l’énergie au rendez-vous (selon les cas) et le potentiel d’action me semble bien plus élevé qu’en cas de réveil tardif. Pour cause, il est midi et j’ai l’impression d’avoir déjà vécu une demi-journée … 🙂

Il n’en a toutefois par toujours été ainsi. Je n’ai installé un rythme matinal et surtout stable que depuis peu. Retour quelques semaines en arrière, lors de mon arrivée à Bangkok …

Fin mars – Bangkok

Me voilà installé au Once Again Hostel depuis maintenant quelques jours. Le fruit de la fatigue cumulée, du décalage horaire et peut-être de l’âge me maintient sur un rythme des plus originaux. Je me réveille à 5h, pète le feu toute la matinée jusqu’au déjeuner dont la digestion m’assomme. La perspective de devoir tenir une après-midi dans ces conditions devient un argument supplémentaire pour faire la sieste. 
Ah la sieste … ce petit plaisir devenu une bouée de sauvetage ces dernières années à Paris, lorsque le sommeil me manquait – c’est-à-dire au quotidien. Coutumier des pauses déjeuner étendues (~1h30), de par les horaires des clients auprès desquels j’ai travaillé, j’ai développé une accoutumance à la sieste ainsi qu’une palette de techniques et astuces dont je cache la fierté. 

Comme nous sommes voués à devenir intimes, je partage avec vous quelque uns de ces tips dont j’ai le secret : 

  • Choisir son coin.
    Trouvez un emplacement où vous êtes sûrs de ne pas être surpris. Il n’y a rien de moins reposant qu’une sieste parano. Optez pour un local avec un verrou et, idéalement, peu de passage.
    Ma petite préférence : les toilettes handicapés (on peut s’y allonger), de préférence à l’étage le moins emprunté.
  • Choisir son timing.
    Décider de la bonne plage horaire peut faire toute la différence. Si vous travaillez dans une grande ville, la plupart des salariés déjeunent aux alentours de 13h. Vous caler sur leur rythme impliquera une plus longue attente au restaurant et plus de passage aux toilettes, donc moins de places disponibles = la recette d’une sieste stressante.
    Ma petite préférence : initiez votre repas dès midi pour dormir tranquillement lorsque la grosse vague déjeune. Vous aurez plus de temps pour vous reposer et reviendrez plus tôt à votre poste.

J’en profite pour faire un clin d’oeil à mon meilleur ennemi, qui monopolisait les toilettes handicapés du sous-sol de La Banque Postale dès 12h30 pour se refaire une beauté. Vingt bonnes minutes à chaque fois et à sa sortie le sol était trempé. J’ai tenté à plusieurs reprises de lui mettre la pression en toquant à la porte, mais il tenait bon le bougre. J’ai fini par scotcher une affiche « toilettes en travaux » empruntée à un autre étage pour gagner en tranquillité. Sans rancune.

  • Préparer un coussin.
    Si élémentaire et pourtant … combien se sont retrouvés la tête contre le carrelage ou la moquette. Ne soyez pas des amateurs : utilisez votre veste, écharpe ou, pour plus de discrétion et si le sol n’est pas trop froid, votre pull. Bien plié, il maintiendra votre tête de part et d’autre.

Je vais m’en tenir à ces fondamentaux pour l’instant. Les autres astuces sont réservées à un public expérimenté et trop embarrassantes pour être partagées ici.

Revenons-en à l’auberge et cette envie irrésistible de faire la sieste après le déjeuner. Je viens de me présenter en professionnel et pourtant je me suis fait prendre au jeu comme un débutant.
Lorsque mes yeux se sont ouverts à 19h, j’ai compris que j’avais commis une erreur d’appréciation. Je n’étais plus dans des toilettes, ni n’avais d’impératif dans l’après-midi. J’étais en voyage, dans un lit confortable et un dortoir climatisé. J’ai tout de suite su que je ne serai pas de sitôt en accord avec la musique du jour.
Cela s’est confirmé le lendemain matin, avec un nouveau réveil aux aurores, suivi d’un nouveau coup de barre après déjeuner.

Ce petit rythme a duré quelques jours avant que je ne sois suffisamment revigoré pour remboîter le pas sur un cycle circadien complet.

C’est alors qu’ont véritablement débutées les journées d’aventures et de découvertes à travers cette jungle urbaine qu’est Bangkok.

La première fois que j’y ai mis les pieds, quatre ans auparavant, j’ai ressenti une atmosphère qui m’a plu sans être capable de me l’expliquer. Mon passage était bref (~48h) mais le souvenir conservé de cet aperçu était suffisamment attrayant pour que je décide un jour d’y revenir pour l’approfondir. Je comprends mieux aujourd’hui pourquoi cette ville m’avait tant fait kiffer. 

C’est une capitale à plusieurs facettes, toutes mêlées les unes aux autres.
On y retrouve des espaces culturels, allant d’immenses temples à de petits autels disséminés à chaque coin de rue avec des statues à l’effigie de Bouddha et des bâtons d’encens diffusant leur parfum.
D’immenses gratte-ciels aux design recherchés mais tous un peu différents sont agglomérés autour des points névralgiques de la ville, donnant l’impression, lorsqu’on prend de la hauteur, qu’il y a plusieurs centres-villes. 
La hauteur, justement, permet d’appréhender sa taille gigantesque en plus de découvrir qu’il existe en vie au sommet des buildings : bars à 360°, salles de concert, espaces verts, piscines, salles de sport, …
Au sol, la vie grouille incessamment. Taxis et scooters – surtout scooters – créent un va et vient permanent. Marchés et stands de bouffe ambulants remplissent les places et les rues en diffusant maintes odeurs, tantôt alléchantes, tantôt répugnantes pour mon nez inhabitué. Habitants comme commerçants animent les trottoirs du soir au matin, les maisons ou boutiques étant collées les unes aux autres et ouvertes vers l’extérieur.
Le tout illuminé de lanternes, bougies, néons ou encore d’affiches LED géantes. 

De plus, bien qu’étouffée, la nature occupe toujours une place parmi cet écosystème : ci et là on voit des palmiers, du sable là où le sol s’est dérobé, buissons et arbustes occupent les petits espaces libres et les plantes rampantes tentent de garder leur suprématie en recouvrant les bâtiments. 

C’est cette dualité qui m’évoque l’expression de jungle urbaine. Tout est mélangé : la nature à l’urbain, le traditionnel au technologique, le petit au grand.

N’en déplaise aux mauvaises langues, les déviances sexuelles ne font pas partie mon équation, bien que présentes un peu partout. De même pour la vente de cannabis et produits dérivés, légalisée depuis l’an dernier, qui parsème la ville d’odeurs anesthésiantes. Comme à New-York !

J’ai commencé par découvrir la ville en solo, laissant mon intuition me guider au fil des carrefours. C’est en se perdant qu’on tombe parfois sur les choses les plus improbables – et il y en a un paquet ici ! Parfois seulement, parce qu’il m’est aussi arrivé de tourner en rond, sous un soleil de plomb, avec pour seuls visuels des pseudos boutiques d’électroménager/alimentation. Il arrive souvent de rentrer dans l’une d’elles sans trop comprendre ce qu’ils y vendent et, donc, ce que l’on va y trouver.

Les visites sont devenues bien plus intéressantes lorsque j’ai retrouvé Benjamin (Benji pour les intimes). Rencontré à Paris, au parc de street workout de Valmy, on se connait depuis longtemps sans jamais s’être vraiment rencontrés. Lorsqu’il m’a annoncé l’an dernier faire un break pour voyager et vivre différemment, j’ai su que nos routes ne croiseraient. 
L’enthousiasme était présent au point de rendez-vous. Lui qui habite ici depuis quelques mois connaît désormais toute sorte d’endroits sympas. Beaucoup d’endroits. J’ai rapidement changé mon quartier général pour m’installer, quelques jours après être arrivé à Bangkok, dans sa zone. Me voici désormais au Hide Bangkok Hostel, 15km plus à l’est – mais toujours proche du centre-ville.
Au menu des jours qui ont suivi : des foods courts gigantesques – paradis des affamés, le marché de Chatuchak, le rooftop bar du Marriott Hôtel, une salle de sport sur un toit, et j’en passe. Le tout relié par beaucoup de trajets en taxi-scoot. 

Je profite de ce récit pour te remercier, mon vieux, pour ces visites guidées personnalisées.

Pourtant, malgré toutes ces découvertes et rebondissements, je ressens un blocage intérieur. 

L’excitation espérée se heurte à une limite sur laquelle j’ai du mal à mettre des mots. Un noeud, dont je sens les origines prendre racines plus en profondeur, qui m’empêche de lâcher prise et d’accueillir pleinement les expériences que je vis. Cette sensation se manifeste de plus en plus à mesure que le temps passe et que je fais face à mes objectifs du jour manqués.
Petit à petit, je comprends. L’image se dessine et je me sens un peu coincé : j’ai la pression.

Mes grands discours personnels sur le fait de faire évoluer mon mode de vie, de trouver un travail qui me ressemble – ou du moins qui me convienne plus – viennent toquer à la porte pour réclamer leur dû.
Les semaines, mois précédant mon voyage, passés à ne me contenter de quelques activités productives de temps à autre ont eu raison de ma patience et épuisé ma jauge de plaisir. Couplés aux derniers mois de conseil, début 2022, où ma rigueur commençait déjà à battre de l’aile, le temps de l’effort et de l’accomplissement me manque.

De plus, je sens le vase de mes ambitions, projets, objectifs se remplir bien plus vite qu’il ne se vide. Le fond de mon esprit est tapi de « je vais », « il faut », « je veux », qui ne demandent qu’à changer de temps. Et le temps est justement venu. J’ai attendu et préparé ce break dans ma vie pendant longtemps et le voici non seulement venu, mais enclenché depuis plusieurs mois maintenant. Trop en profiter reviendrait paradoxalement à le gâcher.
Alors je dois me rendre à l’évidence : il me faut remonter mes manches et me mettre en quête de rythme et de discipline. Abattre des cartes pour redorer mon estime, relancer la machine et retrouver l’équilibre (équilibre, ce maître mot sur lequel je reviendrai). Voilà ma première étape !

Je terminerai sur cette citation, clin d’oeil à mon ancien collègue Rémi :

« Savoir n’est pas suffisant, il faut appliquer. Vouloir n’est pas suffisant, il faut accomplir »

 

À bientôt !
Geo

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