Billet d’humeur #4 – L’arrivée est un nouveau départ

Dimanche 11 juin 2023, 19h50

Je réfléchis au sens que je veux donner au dernier article de ce premier voyage. Je puise mon inspiration en regardant le paysage défilant à travers la vitre. Une vue familière depuis une place de choix : assis sur le dernier siège du wagon de queue, à l’étage supérieur.
En face de moi, le déclin progressif d’un crâne chauve derrière mon écran d’ordinateur, tel un coucher de soleil derrière l’horizon mais qui stopperait à mi-chemin. Le doux bercement du TGV aurait également eu raison de moi en temps normal, grand coutumier des siestes que je suis, mais l’occasion d’écrire est trop belle et le timing s’y prête : je suis en route pour ma Lorraine, à 1h et quelques ~300km de retrouver mes parents chéris pour de nouvelles retrouvailles.

Voilà une semaine que j’ai refoulé le sol français. Et je dois dire que j’étais quelque peu mauvaise langue. Les parisiens ne tirent pas autant la tronche que dans mes souvenirs déformés.
Peut-être dois-je remercier dame nature (Pachamama pour les hippies) pour la météo radieuse qui a illuminé chacune des journées depuis mon retour ? Et qui, par la même occasion, a illuminé le cœur et l’esprit des parisiens ? Certainement. Je ne souhaite désormais plus manquer une occasion de faire preuve de gratitude à l’égard de choses simples et une belle météo est probablement l’une de celles dont il est le plus facile de se réjouir.
La question devient cependant plus subtile lorsque l’on s’interroge sur d’autres sujets et que l’on s’enfonce dans le quotidien. Car après une semaine, bien que l’inertie du voyage soit toujours présente, j’arrive déjà à discerner au loin certains des challenges qui m’attendent pour rester connecté à cet état d’esprit qui m’est si cher. Ce même état d’esprit dont je me suis empli les dernières semaines de mon voyage et que j’ai partagé de mon mieux avec ce bon vieux Christo lors de sa venue.

Vous connaissez la musique, on rembobine de quelques semaines, pour reprendre juste avant le couplet final.

 

Mi-mai 2023, quelques jours avant l’arrivée de Christo

Changement de rythme. Après plus d’un mois et demi ici, à progressivement m’abandonner au rythme hypnotisant de l’île au fil des jours et des semaines qui passent – chaque nouvelle journée me paraissant un peu plus satisfaisante que la précédente, j’en viens à me relâcher et en perdre la notion du temps.

Quand soudain, tout se réaccélère. Dans quelques jours, Christo m’aura rejoint. Mes jours en solo prendront fin. Et la phase finale de mon voyage débutera. Un abrupt rappel au temps qui bouscule positivement mon organisation. Le compte à rebours est lancé.

Je redeviens plus actif, pour faire rentrer plus de choses dans un planning plus serré, stimulé par toutes les belles expériences que j’estime encore avoir à vivre ici.
Par un étrange déroulement des événements, je me sens dans l’une des meilleures formes de ma vie. Porté par une confiance sereine et une humeur doucement joueuse, j’ai l’impression que les opportunités d’expériences en tout genre se multiplient dans ces derniers jours, pile lorsque je m’apprête à ne plus être autant disponible pour les saisir. Je souris. J’ai déjà vécu cette même sensation par le passé, dans un contexte similaire. Le fruit de circonstances particulières à la saveur singulière. Que l’on voie ça comme les étoiles qui s’alignent ou le vent qui nous souffle dans le dos, on se sent plus vivant que jamais.

C’est bercé par cet élan que je termine mon parcours solo et prends la route de Koh Samui, le matin du lundi 15 mai, pour aller chercher Christo.

D’un, on passe à deux

Le carrosse de Monsieur l’attend à l’aéroport. Un carrosse à l’image de l’aéroport lui-même : modeste et sauvage. Et qui va demander à se serrer un peu. Ça va le mettre dans le bain. Two boys, one scoot.

Pour cette première journée, je lui présente les petits plaisirs avec lesquels je l’ai appâté ici : des jus de fruits, mon restau habituel où il a pu tester le classique combo riz + poulet – déclinable de mille et une façons, la plage (ma plage), la mer aussi chaude qu’un bain, ma bande de copains et un coucher de soleil à couper le souffle. Il ne lui a fallu qu’une demi-journée pour prendre la mesure des trésors que regorge cet endroit.

Le deuxième jour a pris une tournure inattendue. Après un tour d’horloge et un réveil au ralenti, je nous brusque un peu en répondant favorablement à la proposition d’une amie : randonner pour atteindre une plage isolée, située de l’autre côté de l’île. Départ dans 30min.
L’initiative fait brièvement grimacer, mais se fait rapidement accepter. Si je propose une randonnée à travers la jungle en début d’après-midi, sous un soleil de plomb, c’est que le jeu en vaut la chandelle. L’expérience de marcher à travers la jungle en compagnie de Jackie, véritable rayon de soleil, de rencontrer d’autres téméraires en cours de route ainsi que le point de vue à couper le souffle qu’offre le chemin à mi-parcours sont autant de raisons d’entreprendre cette aventure.
Cependant, ce n’était pas à cela que je pensais lorsque je nous ai incités à l’entreprendre. Quand bien même on dise souvent que le chemin est plus important que la destination, cette fois-ci c’est pour cette dernière que je nous ai motivés. Car par-delà la dernière butte de notre excursion se cache une toute petite plage aux allures de paradis. Un petit havre que je n’avais pas encore visité, mais dont les différents échos perçus par des amis ou connaissances ont suffisamment attisé ma curiosité pour que je sache qu’il y ait quelque chose qui vaille 2h de sueur à travers la jungle.
Et ce fut le cas. Du sable fin, une eau cristalline, de la bonne musique – à n’en pas douter – et une troupe d’amis (#Jungle Vibes), le tout sur une plage cachée, sont autant d’ingrédients pour une journée de rêve. Le cocktail était peut-être même un peu trop bien dosé, car le chemin du retour nous a réservé des surprises qui nous ont rappelé que le vent peut rapidement tourner sous les tropiques – au sens propre comme au figuré.

Tout semblait encore prendre bonne allure un peu après le coucher de soleil, lorsque nous décidons de partir. La musique battait son plein, l’ambiance était au beau fixe et le ciel qui s’obscurcissait laissait toujours entrevoir un temps dégagé – pour l’instant.
Bémol : nous ne sommes que deux à vouloir partir ; il va nous falloir attendre au moins 3 autres personnes pour que le bateau accepte de nous conduire au port, où sont garés nos scooters. Hors de question de refaire 2h de randonnée, dans le noir qui plus est. Reste plus qu’à attendre, pour mon plus grand bonheur, moi qui ne voulais pas partir. Mais deux heures d’attente, c’est long. Et la nuit tombée, l’oeil ne distingue plus les nuages à l’horizon.
Quand enfin se décident 4 personnes à occuper les places vacantes nécessaires au démarrage du bateau – barque serait plus approprié, nous quittons finalement cette parenthèse sablée pour une traversée frissons.
À peine 2 minutes écoulées et quelques centaines de mètres parcourus que tombent les premières gouttes de pluie. Ca fait du bien, ça rafraîchit. Puis leur chute s’accélère et la nuit s’assombrit davantage. Les bateaux de pêche qui éclairent d’habitude la mer ne sont plus visibles. Le vent se lève plus haut que notre calme et les regards sur le bateau se font plus sérieux. Très rapidement, c’est le déluge. Chacun cherche tant bien que mal à protéger ses affaires de l’eau, mais la raison nous chuchote que l’effort est vain ; le rivage est encore trop loin pour que les affaires ne restent sèches. La raison aussi commence à prendre l’eau lorsque qu’elle lit l’agitation dans le comportement des thaïlandais qui mènent la barque. Ils parlent trop pour que cela soit rassurant. Pour ajouter un peu de drama à la situation, la foudre se rapproche et les vagues commencent à se creuser. La plage apparaît soudain au détour d’un récif, mais les lumières sont encore trop faibles pour que l’on en soit proche. Il va falloir continuer d’éponger encore un peu, la tête baissée pour éviter de se faire fouetter le visage.
Si vous lisez ces lignes, c’est que nous n’avons pas chaviré, juste lavé nos os à l’eau de pluie.

Ça ne s’est pas arrêté là pour autant. Arriver à bon port ne représente que la première partie du trajet retour. Après le bateau, le scooter. Ce qui d’habitude constitue déjà un long trajet, s’est transformé en véritable road trip. 40min sous la pluie, à froncer les sourcils et plisser les yeux à 40km/h. Pour la première – et seule – fois de mon séjour, j’ai eu froid. C’est aussi la première – et seule – fois où j’ai pris une douche chaude en rentrant. Hallelujah.

Les jours suivants ont été un peu plus paisibles. On a testé et classé les différentes plages de la côte ouest lors longues après-midi à ne rien faire, vadrouillé à travers les routes de l’île pour en découvrir cascades et points de vue, et remplis nos ventres de repas à t’abaisser le centre de gravité. Une première semaine à l’image d’un buffet.

Petite mention spéciale pour la chute de Christo en pleine rando : un grand moment au petit matin.

Quand vient le premier week-end, je sens que le rythme de l’île lui colle à la peau. Il a pris ses repères ainsi que la mesure des nombreuses possibilités d’activités.
Le dimanche, nous décidons donc de faire route séparée : il choisit l’option détente et me laisse partir seul pour une énième Eden-venture – et quelle occurrence ce fut ! Lorsqu’on s’est retrouvés le soir, on n’était certainement pas au même niveau d’énergie, mais on arborait tous les deux un sourire aux lèvres. Chacun de nous avait suivi son intuition et fait de sa journée ce qu’il en voulait.
Que chacun puisse faire ce qu’il veut peut paraître évident, pourtant ça m’a rassuré. Nul besoin de rappeler l’importance de la composante liberté dans ma vie – et plus particulièrement lors d’un voyage. D’ailleurs, avant qu’il ne me rejoigne, j’ai ressenti une pointe d’appréhension me disant que je ne serais peut-être plus aussi « libre ».
À son arrivée, l’appréhension a fait place au plaisir de partager la magie à deux, avant de complètement se volatiliser après ce dimanche passé chacun de son côté. De cette simple décision, je me suis senti soulagé. Collectif et individuel peuvent se marier quand deux personnes sont sur la même longueur d’ondes.

C’est sur cette note synchronisée que s’est ouverte la dernière semaine. Pour la seconde fois en deux mois, j’ai rejoint le port. Cette fois-ci pour partir à la découverte de Koh Tao, un peu plus au nord.
Les plages et paysages y sont similaires à Phangan, avec une faune marine plus présente ce qui en fait un paradis des plongeurs. Sa taille réduite (4x plus petite) lui confère un mood plus cosy et familial qui aurait très bien pu me plaire si je m’y étais installé quelques semaines. Si Phangan est une bulle, je ne sais pas quel mot employer pour décrire Tao. C’est l’impasse du Golfe de Thaïlande et il est facile d’y rester coincé.
Mais l’heure tourne. Le minuteur touche bientôt à sa fin et je n’ai pas la tête à m’ouvrir à un autre univers alors que je m’apprête prochainement à quitter le mien. Mon passage sur Tao, déjà prévu pour être court, se raccourci davantage. Après 24h, je me retrouve sur le bateau retour, laissant Christo profiter de la seconde nuit sur place en solo.

Sur le bateau, je suis songeur. Comment vais-je donc remplir ces 5 derniers jours ? À l’image d’une dernière assiette lors d’un buffet à volonté, je l’ai remplie avec ce que j’ai préféré. Chaque moment avait le goût du dernier, ajoutant une note de nostalgie de fin d’été avant même qu’il n’ait commencé. Des sensations comme je n’en avais pas ressenties depuis un moment. C’était une belle fin de voyage.

Merci aux junglers, à la troupe de zen beach, à mes amis russes (les premiers !) et surtout à cette petite boule de poils rousse qui est celle à laquelle il fut le plus difficile de dire aurevoir.

Rien de bien nouveau durant le trajet retour en ferry : une déferlante de souvenirs me passe par la tête, remuant tantôt le ventre tantôt le cœur, accentuant davantage mon affection pour cet endroit. J’expérimente toutefois ces sensations avec plus de sérénité. J’ai vécu beaucoup de choses depuis mon premier passage ici et j’en mesure les effets sur mon évolution à travers le regard que je porte sur le monde et sur moi-même.

Rien de bien nouveau à l’exception peut-être de soudaines conversations, un peu virulentes, qui me font redescendre un peu trop abruptement de mon nuage pour me ramener sur la Terre ferme. À ce moment, la nuit tombée et à quelques kilomètres des côtes, j’en viens à redouter le retour en France. La perspective démesurée de problèmes finalement révolus. Il m’a fallu 24h pour digérer ces échanges et comprendre que certaines bonnes intentions nécessitent parfois de vous secouer pour mieux vous atteindre. Et cela a fonctionné, le timing m’a cueilli. 
Est-ce de la chance ou de l’optimisme, mais ce même timing s’est ré-inversé dès mon arrivée à Bangkok – un vrai effet yo-yo, car le jour où j’y suis retourné coïncidait avec le retour de France de Benji. Ça nous a permis de faire un petit avant/après et, à titre personnel, de clore mon aventure avec le même cocktail de bonne choses que celui sur lequel je l’ai démarrée : du sport, une petite dose de jeux vidéo, des conversations enrichissantes et un pote devenu ami.

 

Vendredi 02 juin 2023 – le départ

Je pars pour l’aéroport le corps huilé à la noix de coco. Un dernier souvenir gras mais parfumé qui va m’accompagner pour les 23 prochaines heures. Oui, c’est long, mais pas désagréable. Je pars l’esprit calme (en avance à l’aéroport) et le corps détendu (2h de massage, ça relaxe). Même les 60€ d’hors forfait pour 4,5Mo de data consommées au Bahrein n’ont pas eu raison de ma zénitude – presque.

Je veux maintenir cet état. Il y a trop de bonnes choses à en tirer, sur tous les aspects de la vie. Et je sens de mieux en mieux comment m’y prendre. Difficile à exprimer avec des mots. Tel un art que l’on développe par la pratique et l’observation : ça se ressent et c’est propre à chacun.

 

Mercredi 28 juin 2023

Presque 4 semaines se sont écoulées depuis mon retour et deux depuis le début de la rédaction de cet article. J’ai étalé son écriture dans le temps, pour rafraîchir épisodiquement ma mémoire.

Alors, comment est-ce que je me sens après 1 mois ? Bien, très bien même. Mon esprit est toujours affuté et connecté à ce fil directeur. Je me suis réhabitué à la France, trouvant un équilibre relatif entre l’environnement qui m’entoure et la façon dont j’ai envie de vivre.
Je me suis rapidement aperçu que des obstacles existeront partout, où que l’on aille. S’ils me paraissent désormais plus nombreux en France qu’auparavant, c’est parce que le mode de vie et de pensée auquel je me suis connecté lors de mes expériences de voyage – Phangan particulièrement – diffère de celui dans lequel j’ai évolué tout au long de ma vie. Par le voyage, on fait table rase de ses principaux points de repères. Lieu de vie, habitudes, cercle social, rythme, culture environnante, activités, tout est chamboulé. On replonge dans un état similaire à l’enfance où tout est apprentissage et découverte. Les différences des autres deviennent des attributs. Les cultures et façons de pensée de chaque région du monde deviennent juste différents prismes à travers lesquels voir la vie.
Si c’est dans l’expérience que l’Homme grandit, alors quelle expérience plus enrichissante qu’une ouverture de l’esprit à travers toutes ces nouvelles perspectives. Pas surprenant que la plupart des voyageurs reviennent le sourire aux lèvres et l’esprit rêveur. Quand on touche du doigt l’immensité du monde, chacun y trouve sa place.

Et la mienne, je commence à la trouver. Elle ne se trouve pas tant dans un endroit spécifique du monde, que dans la façon que j’ai d’y vivre. C’est pourquoi il me faut remodeler mon environnement et mon mode de vie à l’image de la nouvelle personne vers laquelle je tends.
C’est à cela que ressemblent les challenges qui m’attendent. Faire en sorte de ne pas revenir à une vie qui tende trop vers le matériel, le terre-à-terre, l’automatique. Continuer ma lancée dans une vie de sens, de gratitude et de bien-être, où je distingue ce qui est futile de l’essentiel.
Ça passe par une myriade de choses qui me prendrait des heures à décrire avec des mots, mais qui m’apparait limpide si j’écoute mon intuition. Je vais donc m’en remettre à elle pour la suite, tel un phare dans la nuit, pour continuer de me guider vers ce qui me parait être, un peu plus chaque jour, un horizon radieux. 

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